Donner du sens

Dans le cadre d’un travail de recherche-action mené entre 2010 et 2013, l’équipe enseignante, accompagnée de chercheurs en sciences de l’éducation, a remis au goût du jour les « incontournables » de la vie de l’école et de la pédagogie Decroly. L’extrait choisi ici est celui concernant le « sens donné aux apprentissages », point au combien essentiel et guidant nos pratiques au quotidien, notamment depuis l’arrivée de nouveaux enseignants au primaire et le retour aux centres d’intérêt (« se protéger des intempéries », « se nourrir », « se défendre », « le travail »)

Donner du sens aux apprentissages semble être un objectif évident. Or, il n’existe pas vraiment de mode d’emploi, c’est au sein même de la relation pédagogique que l’on peut éprouver cette idée. Voici toutefois les nombreuses pistes explorées à l’école Decroly.

La fonction de globalisation

L’enfant perçoit le monde et les apprentissages de manière globale puis, progressivement, il les organise et les structure. Ainsi les notions apprises ne sont pas compartimentées mais perçues dans leur ensemble pour être ensuite ordonnées. Les apprentissages doivent donc avoir des points d’entrée larges: à partir d’un mot, d’une notion, l’enfant intervient, il questionne. Il émet des hypothèses et se confronte à celles des autres pour construire de nouvelles connaissances. Pour donner du sens, il apparaît ensuite important d’effectuer un va-et-vient constant entre globalisation et focalisation ; c’est ainsi que l’enfant pourra structurer sa pensée et le monde qui l’entoure.

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Spidergramme dans le cadre du projet sur “L’autre” en 6e.

L’intérêt de l’enfant

Dès la maternelle, et pendant toute sa scolarité, l’enfant peut apporter un objet destiné à être partagé avec le groupe. Il peut également proposer ses idées, partager ses propres intérêts. Les sujets qui répondent à l’intérêt des enfants assurent de nombreuses pistes de travail et permettent la mise en place de connaissances qui composeront une base solide pour tous les apprentissages à venir. L’enseignant aide à maintenir l’intérêt, à l’organiser. Il s’assure que celui-ci permette une approche des différentes notions à aborder sans aucune hiérarchisation des matières et en proposant des outils permettant la transversalité des connaissances.

La démarche pédagogique

Elle s’articule autour de trois axes : l’observation, l’association et l’expression. L’observation concrète de phénomènes ou d’objets permet de s’impliquer dans une démarche de recherche. L’enfant s’interroge, utilise ses connaissances, se confronte à d’autres hypothèses, trouve des réponses en utilisant des supports variés. Il compare, classe, trie les données pour répondre à ses questions. Il établit des relations entre les faits observés, les associe dans l’espace et dans le temps. Une partie importante de la classe se fait à partir des visites et des classes vertes (surtout en primaire). L’expression intervient pendant toutes les phases de la démarche pédagogique : elle sollicite la créativité de l’enfant et lui permet d’affiner son habileté orale, graphique, artistique, technique…

La notion de « travail »

Pour donner du sens à l’implication de l’enfant, le « travail » doit être perçu comme un contrat personnel et social.

Les projets collectifs : Le groupe d’enfants et l’ (les) adulte(s) s’emparent d’un intérêt émergeant (primaire) ou d’un thème donné (collège) en privilégiant une approche transdisciplinaire et transversale. Chaque individu apporte ses propres représentations pour nourrir un travail commun, aboutissant à un produit fini et destiné à être montré (circulation). L’enfant porte une responsabilité dans le cadre des projets collectifs car les productions nécessitent la participation de tous : le « travail » n’est donc pas perçu comme une réponse aux exigences de l’adulte mais comme une forme de contrat social.

L’absence de compétition : L’enfant travaille pour lui, en partenariat avec le professeur et le reste du groupe. Il est respecté en tant qu’individu, est évalué par rapport à ses progrès et son attitude face aux apprentissages. Les matières ne sont pas hiérarchisées et l’implication favorisée quelque soit le domaine. Le « travail » est perçu par l’enfant comme un contrat personnel, un moyen de se confronter aux choses, de persévérer, sans peur de l’obstacle et de l’échec (d’ailleurs nécessaire et souvent valorisé).

La cohérence

À Decroly la scolarité s’envisage de 3 à 15 ans, assurant ainsi une continuité pédagogique dans laquelle se retrouvent les enfants. La démarche des adultes est commune, les enfants doivent percevoir la cohérence de l’équipe qui les entoure dans les apprentissages et dans le quotidien. Les mêmes lieux sont partagés par les enfants et les adultes, formant ainsi une communauté scolaire avançant vers le même objectif.